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 Saintes matrones ou dangereuses dévergondées

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MessageSujet: Saintes matrones ou dangereuses dévergondées   Saintes matrones ou dangereuses dévergondées EmptyDim 27 Sep - 1:07

Saintes matrones ou dangereuses dévergondées : deux images des femmes d'Afrique du Nord à l’époque romaine

La documentation épigraphique, essentiellement celle des épitaphes, dresse de la femme en Afrique à l’époque romaine un portrait idéal et idéalisé, construit à partir de solides vertus traditionnelles que sont la pudicité, la chasteté, la fidélité et aussi la sobriété et le sens pratique. Mais ce topos funéraire est contrebalancé par un certain discours littéraire, notamment celui du chrétien Tertullien : les saintes matronae africaines sont, en ce début du IIIe siècle, de fieffées dévergondées ! Et ce grand moraliste chagin de proposer pour la femme chrétienne dans laquelle on doit retrouver l’image d’une Ève pénitente un programme d’une troublante et inquiétante actualité.

Il est toujours bon de rappeler que les historiens se sont surtout intéressés à l'histoire des hommes et ont ignoré de ce fait une bonne moitié de l'humanité, que la femme a toujours fait partie de « la petite histoire », que son histoire paraît inchangée depuis la nuit des temps puisqu'on nous parle encore de la fameuse « nature féminine », ou mieux, d'un « éternel féminin ». Cette tendance propre à l'histoire et à l'historiographie classiques ne pouvait que s'estomper dans la mesure où les préoccupations des historiens ont changé de perspectives et où les nouvelles études des mécanismes socio-économiques et l'apport indéniable que présente en la matière l'étude des dites minorités sociales et culturelles, ont fait entrer les femmes par la grande porte dans l'Histoire. Il n'est pour s'en convaincre qu'à consulter les bibliographies spécialisées de ces quarante dernières années1. Une lacune cependant a longtemps persisté, celle de l'histoire des femmes de cette entité géographique et politique que constitue l'Afrique du Nord, lacune qui se réduit de plus en plus à la lumière de nouvelles interrogations, de rencontres, d'études générales ou spécialisées, d'entreprises diverses, publiques ou privées, qui font dorénavant exister les femmes de nos pays2, des femmes dont l'histoire plusieurs fois millénaire, est dominée par une figure féminine emblématique, celle d'Elissa-Didon, la fondatrice de Carthage.

Parler des femmes d'Afrique du Nord à l'époque romaine, c'est d'abord leur reconnaître un passé pré-romain, ce qui doit nécessairement réajuster le propos et le nuancer. C'est plus encore interroger une documentation, certes riche et diverse, mais qu'il faut toujours replacer dans son propre contexte. Les textes épigraphiques, qu'il s'agisse d'inscriptions funéraires ou honorifiques, nous font, en effet, de la femme un portrait idéal faisant référence essentiellement aux solides vertus et à l'attachement fondamental que vouaient les Africains aux valeurs et aux traditions du passé. Or il apparaît à la lecture d'autres documents, et surtout de certains textes littéraires, notamment ceux du païen Apulée et du chrétien Tertullien, que l'image candide et stéréotypée délivrée par l'épigraphie se charge de couleurs plus vives, plus rudes, et surtout que le discours change d'allure, change de ton, sent parfois le soufre ! Parle-t-on seulement des mêmes femmes ?3

Le discours de l'épigraphie : les saintes matrones

La documentation épigraphique constitue une source inépuisable de renseignements4. Si les inscriptions honorifiques qui concernent les grandes dames de la société africaine nous informent sur la position sociale, sur le rôle culturel et surtout économique que certaines d'entre elles eurent à jouer à l'échelle municipale et même provinciale5, c'est surtout par l'étude des épitaphes que l'histoire des femmes d'Afrique du Nord à l'époque romaine paraît possible. Ces documents révèlent bien des aspects de la vie familiale, en mettant en valeur le rôle et la position que la femme y tenait, rôle considérable si l'on songe que la cellule familiale est en quelque sorte le « milieu naturel » où elle réside et où elle domine en qualité d'épouse et surtout de mère. En effet, le cadre de la vie familiale repose sur le mariage monogamique, accessible seulement aux femmes de condition libre, celles qui ont droit aux justae nuptiae6 et que tous les textes, y compris les textes juridiques, qualifient de matronae (matrones). Le terme lui-même est dérivé de Matres (les mères) auxquelles on rendait un culte. L'idée de maternité, en effet, tient une large place dans la pensée et la pratique religieuse romaine. Empreinte de gravité, elle renvoie à une forme de consécration officielle7. À l'instar des Matres auxquelles elles sont subordonnées, les matronae sont vénérables et quasi sanctifiées8.

Bien des qualités étaient requises pour répondre à ce modèle idéal de « sainteté ». Au sein d'un mariage, reposant sur le respect que doit l'épouse à son mari9 et aussi sur l'affection mutuelle, parfois l'amour sinon la passion10, un mariage conclu en principe pour durer toute une vie et que seule la mort pouvait briser11, la femme était dans l'obligation d'avoir un comportement exemplaire. Plutôt que de la beauté physique – qui devait certainement avoir son importance, mais qu'on signale très rarement sur les épitaphes – des qualités intellectuelles ou des grâces de l'esprit – que l'on évoque parfois mais de manière très discrète12 – les Africains, en bons provinciaux traditionalistes, préfèrent, et de loin, parler des solides qualités pratiques et domestiques et plus encore des hautes vertus morales.

C'est à la femme en effet que revient la bonne gestion du ménage. Qualifiée de mater familias, de domina et aussi de custos, on lui sait gré, en tant que gardienne de son foyer, de mener à bien les affaires de la maison. Tout en raillant les hommes qui trouvent toujours de bonnes raisons pour se marier, Tertullien lui-même le reconnaît quand il dit :

Il n'y a de bien administrées que les maisons des hommes mariés ! Tout va mal chez les célibataires ; les biens des eunuques périssent ; la fortune des soldats est dilapidée ; les voyageurs sans épouses sont ruinés13.

C'est pourquoi on loue les femmes pour leur sobriété, leur tempérance, leur sens de l'économie et leur sens pratique. On célèbre leur goût du travail14 dont dépend la prospérité du foyer15. On leur est aussi reconnaissant d'avoir su se préserver de la contagion du luxe et des dépenses inutiles. Ainsi Pallia Saturnina, bien que possédant une fortune personnelle dont elle pouvait tout à fait disposer16, « prélevait à peine, sur ses biens propres et sur ceux de son mari, ce qu'il lui fallait pour sa toilette... (et) négligeant la parure, elle ne s'ornait que de ses bonnes mœurs... »17.

Mais les matrones se définissent surtout par leurs qualités morales, et notamment par cette incontournable trilogie constituée par la pudicité, la chasteté et la fidélité. Pudicitia est la vertu par excellence, et concerne particulièrement et uniquement la gent féminine18. C'est la sacro-sainte vertu19, l'honneur des femmes et leur apanage et, qu'elles soient mariées ou non, d'innombrables épitaphes les célèbrent pour avoir été, « pudiques », « très pudiques », « d'une réelle, exceptionnelle, extraordinaire pudicité »... Cette qualité première va de pair avec la chasteté : les femmes sont le plus souvent pudicae et castae. Elles sont dites « chastes », « très chastes », des « exemples de chasteté », « d'une chasteté digne des temps antiques (antiquae castitatis femina) »20. Cette nostalgie des temps anciens où pudeur et chasteté étaient scrupuleusement observées par les femmes se retrouve chez Tertullien quand il dit : « ...ils sont tombés ces réglements de vos ancêtres qui protégeaient la modestie et la tempérance »21. Pudicité et chasteté deviennent possibles grâce à la fidélité, la fides, cette personnification divine de la bonne foi qui préside en même temps, aux conventions publiques et aux transactions privées22. De nombreux textes épigraphiques sont les témoins de cette qualité très particulière, et c'est pour cela qu'on loue surtout les femmes qui n'ont été mariées qu'une fois et qui n'ont connu qu'un seul homme23. Pudicité, chasteté, fidélité sont au service d'un seul homme, en vue d'assurer sa légitime descendance et la pureté de la lignée au sein d'un mariage conçu, avant tout, dans le but d'avoir des enfants : liberorum procreandorum causa24.

D'une épitaphe à l'autre, et comme un long leitmotiv, les descriptions que les dédiants font de celles qui furent de pieuses mères, des filles admirables et aimantes, de chastes et vertueuses compagnes, sobres, pudiques, zélées, pleines de courage et de déférence, des épouses dignes de louanges, exceptionnelles, inégalables et inégalées, et par-dessus tout d'une fidélité à toute épreuve, sont toujours très élogieuses, trop élogieuses même, et l'on serait tenté de n'accorder que peu de crédit à toutes ces qualités. Bien sûr, « l'exagération est une loi de l'épitaphe »25, et il convient donc d'interroger aussi les documents littéraires afin de réajuster le propos et de nuancer cette image idéale qui fait partie du « topos » funéraire.

Saintes ou dévergondées ? L'écho d'une certaine littérature

Sans doute certaines familles ne vivaient-elles pas selon ce modèle idéal de sainteté ! Écoutons d'abord le païen Apulée dans son invective contre Herennius Rufinus, l'un de ses principaux adversaires dans la difficile et dangereuse accusation de magie dont il eut à répondre au cours de son célèbre procès : il accuse d'abord son détracteur de vivre des charmes de sa femme :

... sa maison est un bouge ; toute sa famille est corrompue ; lui-même est un infâme, sa femme une prostituée... l'orgie mène vacarme dans sa salle à manger ; sa chambre est ouverte aux galants, chacun peut y entrer sans crainte, à condition qu'il paie redevance au mari. Ainsi le déshonneur de son lit est une source de revenus. Comme autrefois de ses propres talents, c'est du corps de sa femme qu'il trafique aujourd’hui ; c'est même avec lui que se négocie le prix des nuits de son épouse...

Ensuite il s'en prend à sa fille, jeune fille pour le moins délurée si l'on en croit le célèbre avocat :

La femme qui vieillissait et s'épuisait dut renoncer à faire vivre la maison entière sur son déshonneur. Restait sa fille ; sans succès offerte à l'essai à quelques prétendants, si elle n'était tombée sur l'humeur de Pontianus, peut-être à l'heure qu'il est, veuve avant le mariage, serait-elle encore assise dans la maison de ses parents... Un jeune homme de bonne famille, après avoir obtenu sa main, s'en était lassé et l'avait abandonnée. La voilà, donc, qui, nouvelle mariée, se rend chez son époux, sûre d'elle-même et sans émoi, avec sa pudeur profanée (pudore dispoliato), sa fleur d'innocence flétrie (flore exsoleto), son voile de noces défraîchi (flammeo obsoleto), sa virginité retrouvée au lendemain du divorce, parée enfin du nom de fille sans en avoir la pureté. Promenée dans sa litière à huit porteurs, vous l'avez sûrement remarquée si vous étiez présents : quels regards provoquants elle jetait autour d'elle aux jeunes gens, avec quelle hardiesse elle s'affichait ! Qui ne reconnaissait les leçons de la mère en voyant cette jeune femme au visage fardé, aux joues couvertes de rouge, aux yeux séducteurs26.

L'exagération ne semble pas seulement une loi de l'épitaphe ! Mais s'il faut faire une large part dans ce tableau aux « exagérations d'un avocat sans grands scrupules »27, il faudra convenir que l'accusation portée contre Apulée était telle que, pour s'en défendre, il fallait des arguments de poids – en l'occurrence le mode de vie et le comportement immoral de son adversaire – qui rendaient ses accusations irrecevables. Au lieu d'être une vénérable matrone, l'épouse de Rufinus est une catin, et son mari un véritable proxénète28 . Pour la fille, les insinuations d'Apulée ne sont pas non plus équivoques : elle a rompu ses fiançailles et elle a très mauvais genre. Il suffit, au reste, de la voir passer dans la rue pour s'en convaincre. Le comportement moral de l'épouse et de la fille de Rufinus ne correspond en rien au modèle des traditionnelles vertus.

Mais celui qui a le plus critiqué les femmes de son temps et est parvenu à les discréditer, c’est, bien sûr, le chrétien Tertullien. La majorité de ses écrits comporte diverses réprimandes et observations à l'égard de celle qu'il appelle « la porte du démon »29. Coquetterie excessive, absence de pudicité, vénalité démesurée, telles semblent être les principaux défauts de la gent féminine, défauts inhérents à la nature d’Ève – celle qui a perdu l'humanité – défauts qu'il faut essayer de combattre par tous les moyens. Les contemporaines de Tertullien étaient, semble-t-il, de grandes coquettes. Écoutons-le :

La plupart d'entre vous... affichent dans leur dehors aussi peu de retenue que si la pudeur consistait uniquement dans l'intégrité de la chair et dans l'absence des plaisirs sensuels. Il leur semble qu'il n'y ait rien par delà ; que la parure et les ornements du corps soit chose indifférente. Aussi, voyez-les, soigneuses de relever par mille artifices l'éclat de leur beauté, promener en public la même pompe que la femme païenne à laquelle manque le sentiment de la véritable pudeur... En effet, quoiqu'il existe une ombre de pudeur parmi les païennes, cette vertu est tellement défectueuse, tellement désordonnée et chancelante que, si chastes que vous les supposiez au fond de l'âme, elles se répandent au dehors en fastes et en frivolités... Montrez-moi une de ces infidèles qui n'aspire à captiver les regards étrangers. Où est celle qui ne farde son visage, qui ne soigne son corps dans ce dessein ? Où est celle qui étouffe ses désirs ? Ne calomnions point la chasteté païenne ; il n'est pas rare qu'elle s'interdise la faute ; mais la volonté de faillir, se l'interdit-elle ?30

Cette coquetterie, qui n'est souvent que le reflet d'une grande légèreté d'esprit, amène les femmes à se conduire comme des prostituées.

Quelle différence, alors, vous séparera de ces victimes de la prostitution publique, aujourd'hui surtout que la dépravation humaine, montant de degré en degré et se jouant des lois qui interdisaient à ces misérables les ornements de la matrone et de l'épouse, les a égalées aux femmes les plus illustres, sans qu'on puisse les distinguer les unes d'avec les autres.31

À l'époque où écrit Tertullien, l'habit fait le moine, la stola fait la matrone, et porter trop de bijoux faisait de vous une femme aux mœurs légères : « Je vois enfin qu'entre les matrones et les prostituées, il n'y a aucune différence quant au vêtement »32.

Quant aux soins portés au corps, ils vont de pair avec la corruption de l'âme :

Maintenant, jette les yeux sur les femmes. Tu verras que Cecina Severe représente vivement au Sénat que les matrones ne devaient point paraître en public sans la stola traînante. Enfin, le décret de l'augure Lentulus, punit comme adultère celle qui passerait outre. Lui plein de sagesse ! Quelques matrones romaines avaient répudié à dessin ces vêtements féminins et gardiens de la pudeur, parce qu'ils étaient un obstacle à leur dissolution. Mais aujourd'hui, corruptrices d'elles-mêmes, afin qu'on les aborde avec plus de liberté, elles ont proscrit la robe flottante, la ceinture, la pantoufle, le voile et même la litière et le siège avec lesquels elles étaient toujours dans une sorte de retraite, et comme enfermée chez elles, même lorsqu'on les portait en public... Regarde ces louves qui vivent de la lubricité publique, et ces courtisanes elles-mêmes qui font de l'artifice un trafic ; ou plutôt, si tes yeux ne doivent pas même s'abaisser sur ces repaires où la pudeur est immolée au grand jour, contemple les, quoique de loin ; tu y rencontreras des matrones.33

Les femmes sont non seulement coquettes et frivoles, mais elles sont aussi d'une vénalité excessive. Certaines épouses ont dilapidé les fortunes de leurs époux, avec d'autant plus de délectation et de facilité que ces fortunes ne leur appartenaient pas :

Dominer dans une famille étrangère, s'établir dans une opulence qui n'est pas à soi, arracher à autrui les frais de son luxe, et prodiguer follement des trésors qui ne lui coûtent rien...34

Il est vrai que ces tristes scandales viennent de la cupidité, de l'ambition des femmes riches, et Tertullien le reconnaît :

Car plus une femme opulente s'enfle de l'orgueil de son rang, plus il lui faut une maison vaste et spacieuse. Ces ambitieuses demanderont... un époux qui leur fournisse des litières, des bêtes de somme et des parfumeurs dont la haute stature trahit l'origine étrangère.35

Les femmes que Tertullien nous décrit sont hélas ! le plus souvent : « bavardes, désœuvrées, adonnées au vin, passionnées pour le luxe »36. Cet amour du vin ne pouvait que choquer un homme profondément attaché aux vertus antiques. Nous savons, en effet, que la tradition interdisait aux femmes l'usage du vin sous peine d'encourir les peines les plus graves. Une dame romaine, raconte-t-on, avait un jour descellé les casiers dans lesquels se trouvaient les clés de la cave à vin ; elle fut condamnée par le conseil de famille à périr de faim37. Et Tertullien de rapporter cette anecdote :

Les femmes (autrefois) s'abstenaient de vin au point que ses proches firent mourir de faim une matrone parce qu'elle avait descellé les loges d'un cellier. Au temps de Romulus une femme n'avait fait que goûter du vin, et Metennius son mari la tua impunément. C'est aussi pourquoi c'était une obligation pour les femmes d'embrasser leurs proches, afin qu'on pût les juger sur leur haleine... Aujourd'hui... Les femmes n'osent embrasser sans crainte, à cause du vin.38

Au temps de Tertullien, les femmes boivent, accompagnent leurs époux dans les soirées mondaines, participent aux festins. Quelques documents figurés les représentent installées sur des lits de banquet39. Scandalisé par une telle attitude Tertullien y fait maintes fois allusion :

Elle s'assiéra avec son époux parmi des compagnons de débauche, au milieu des traverses ; ... Que chantera dans un banquet son mari païen ? Que chantera-t-elle, elle-même, pour lui plaire ? Ce qu'elle entendra ? Des hymnes de théâtre, des chansons de taverne, des paroles impudiques.40

Nous sommes loin assurément de la tradition qui voulait que les femmes honorables prennent leurs repas, non point auprès des hommes, nonchalamment étendues sur des lits de salles à manger, mais assises aux pieds de leurs époux. Quelques bas-reliefs, il est vrai, nous présentent d'ailleurs ce tableau traditionnel41. Apulée dans les Métamorphoses y fait une légère allusion : en arrivant chez son hôte Milon, Lucius le héros de son roman dit :

Je pénètre en le trouvant (Milon) juste au moment où, s'installant sur un tout petit grabat, il se disposait à souper. À ses pieds, était assise sa femme.42


Cette coutume, expression de l'obsequium des matrones, donc de la déférence de la femme envers l'homme, était, à vrai dire, de moins en moins observée. Déjà Valère Maxime dit que de son temps, c'est-à-dire sous Tibère, la coutume n'est plus observée qu'au Capitole, dans les banquets offerts aux déesses, parce que sans doute il importe plus de maintenir la discipline des mœurs chez les déesses que parmi les femmes43. Plutarque, lui, parle comme d'une chose normale de femmes et d'enfants couchés à la même table44.

En Afrique, il semble qu'à l'époque impériale en tous cas, on ait été assez libéral, du moins dans la classe sociale la plus élevée, et les grandes dames ne devaient pas dédaigner les réceptions mondaines ; cette liberté des mœurs se retrouvait, on peut s'en douter, chez les dames de petite vertu qui n'avaient pas à craindre, elles, de choquer les bien pensants. C'est ainsi que prostituées et riches bourgeoises devaient, sur certains points du moins, se ressembler, notamment dans leur allure générale et leur mode de vie. Ceci ne devait pas échapper à Tertullien qui conclut, un peu rapidement tout de même, qu'il n'y a plus de différence entre les prostituées et les matrones, tout en reconnaissant cependant que ces tristes scandales proviennent des femmes opulentes.

Discours différents, discours divergents selon les catégories sociales

Assurément, le laxisme et les débordements dont parle Tertullien devaient être surtout le fait d'une certaine classe de la société, d'une classe finalement assez restreinte. C'est ainsi que la littérature traite essentiellement de cas particuliers ; l'épigraphie, en revanche, a une portée beaucoup plus générale et s'intéresse à une autre classe de la société. Nous voyons en effet que les inscriptions qui parlent des qualités et vertus féminines sont essentiellement celles de petites bourgeoises faisant partie de cette classe moyenne et laborieuse qui a conservé une très haute opinion de ses devoirs et de ses obligations. Dès que l'on s'élève un peu dans les couches sociales, les inscriptions changent de ton. On loue rarement les grandes bourgeoises et les aristocrates pour leurs vertus morales. À elles, on rend d'autres honneurs. Au reste les inscriptions qui les concernent sont rarement des épitaphes, mais le plus souvent des inscriptions honorifiques où on les remercie pour leurs dons et leurs libéralités.

On peut légitimement se demander quel sort était réservé à la femme tout en bas de l’échelle sociale, quelle était sa place ou quelle place lui reconnaissait-on au sein de la famille et de la société ? Quels étaient, par exemple, la position et le rôle de la femme à la campagne en dehors des grandes villes ? Nous sommes bien embarrassés pour répondre à de telles questions, faute de documents. Saint Augustin dit bien que certains hommes n’hésitent pas à y battre leurs épouses sauvagement quand ils en ont envie45. Dans les campagnes, où la vie est dure et où les femmes participent activement aux travaux des champs, elles sont, dit-on, assimilées à des bêtes de somme : « J'y ai vu, dit Pline en parlant de l'Afrique, la terre retournée après les pluies par une charrue à laquelle étaient attelées d'un côté un pauvre petit âne, de l'autre une femme »46.

Tertullien parle aussi de certains païens qui profitent des vertus de leurs épouses (évidemment chrétiennes), pour les traiter comme des esclaves :

Quelques-uns supportent le christianisme pour fouler aux pieds et opprimer leurs femmes. Ils n'hésiteraient pas à faire condamner celles que certaines inscriptions appellent leurs compagnes47, et ne gardent le silence qu'au prix d'un odieux chantage. Ils le supportent (le christianisme), pour faire de la dot conjugale le prix de leur silence, et sont prêts à traîner leur compagne devant le magistrat qui n'épie que l'occasion d'une injustice.48

De la richissime aristocrate à qui on élève une statue sur le Forum à la pauvre femme des campagnes assimilée à une bête de somme en passant par la petite bourgeoise des villes, digne matrone respectable et respectée, toute une galerie de portraits féminins s'offre à nous. En ce qui les concerne, les textes épigraphiques ne nous permettent pas de douter de l'idéal africain en matière de vertus féminines, idéal bourgeois, petit bourgeois même, se complaisant dans le rigorisme et l'austérité des mœurs. Mais il ne faut pas négliger l'apport de la littérature, surtout le témoignage du chrétien Tertullien. Ce fils d'un simple centurion de Carthage a su, avec une autorité à nulle autre pareille, traiter toutes les questions morales et religieuses qui devaient inquiéter la société carthaginoise de son temps. Ses écrits ne sont pas que le reflet de la vie chrétienne en Afrique à la fin du IIe siècle. Ses invectives contre la société païenne l'ont amené à décrire cette société au milieu de laquelle il vit et qu'il connaît parfaitement. Il a notamment beaucoup parlé des femmes. Il ne les aime pas beaucoup. Il les craint surtout : il craint leur faiblesse et leur pouvoir, leur bêtise et leur force, leur légèreté et leur puissance. Ce misogyne passionné produit un discours à la fois amusant et irritant, aux intonations d'une troublante et inquiétante actualité. Pour clore ce dossier, nous examinerons rapidement l'idéal chrétien en matière de vertus féminines à travers la conception et les intimes convictions de ce moraliste chagrin.

Femmes chrétiennes : l'image vertueuse d'une Ève pénitente

À première vue, les vertus chrétiennes et païennes semblent bien proches. Si l'on relit le portrait de le femme idéale tracé par Tertullien, dans son traité Sur la parure des femmes, on y retrouve les mêmes tendances que dans l'éloge de n'importe laquelle de nos païennes. L'image qu’offre Tertullien est seulement « enrichie de quelques références bibliques et de la pensée toujours présente du martyre »49. Mais examinons le « programme » proposé par Tertullien, quand la femme ne doit avoir d'autre alternative que de se parer de ses bonnes mœurs :

Demandez à la simplicité votre blancheur, à la chasteté votre rougeur, à la modestie le fard de vos yeux. Mettez le silence sur vos lèvres, suspendez à vos oreilles les paroles du Seigneur ; attachez à votre cou le joug de Jésus-Christ. Courbez votre tête sous la puissance de vos époux et vous voilà suffisamment parées. Occupez vos mains à filer la laine, enchaînez vos pieds à la maison, et vous plairez plus que sous l'éclat de l'or. Que la probité devienne votre soie, la sainteté votre lin, la pudeur votre pourpre ; avec ces joyaux et ces parures, vous aurez Dieu pour amant.50

La morale traditionnelle, on le voit, est toujours présente, mais au service d'une nouvelle foi.

Il existe, en effet, des différences importantes qu'il convient de souligner. Nous avons vu que chez les païens les vertus de chasteté et de pudicité ne sont requises que chez les femmes de condition libre, les matrones, celles qui, en fait, sont destinées à devenir des épouses et des mères. Les autres femmes sont tout à fait libres de disposer de leur corps. N'étant pas jugées dignes de devenir des mères, elles sont « indifférentes » aux yeux de la morale et du droit51.

Pour la morale chrétienne, en revanche, toutes les femmes se doivent d'être pures et sans tache, et ceci en vertu du fait que tous les êtres humains sont égaux, et « que sur toutes les femmes s'étend le rayonnement de la pure figure de la Bienheureuse Vierge Marie »52. De même pudicité et chasteté sont également requises chez les hommes qui sont, eux aussi, responsables de la pureté du sang. Il y a là une grande nouveauté par rapport à la mentalité païenne romaine, pour laquelle l'homme ne contracte la souillure du sang qu'en renonçant à sa fonction virile et en se soumettant, comme une femme, au désir d'un autre homme. En dehors de ce cas précis, les hommes sont parfaitement autorisés à avoir des relations sexuelles extra conjugales. C'est ainsi que chez les païens, aucun homme n'est qualifié de pudicus53, la pudicitia étant exclusivement une qualité féminine. Dans le domaine de l'abstinence de rapports sexuels, le christianisme, lui, ne fait pas de différence entre les hommes et les femmes. Tertullien, dans son traité Sur la pudicité, en donne une définition précise : « (la pudicité) est la fleur des mœurs, l'honneur du corps, la gloire des deux sexes, l'intégrité du sang, la garantie de l'espèce humaine »54 et il ajoute : « Ainsi quel que soit le lieu, quelle que soit sa complice, l'homme commet l'adultère sur lui-même et souille sa chair dès qu'il s'unit à la femme autrement que dans le mariage »55.

Il ne s'agit plus de redouter uniquement les conséquences de l'acte sexuel, mais plutôt de le condamner lui-même. Cet acte devient mauvais en soi ; c'est le péché, l'acte qui a perdu l'humanité toute entière et dont la femme, bien entendu, porte seule la lourde responsabilité. Car tout le problème est là ; celle qui fut louée et honorée parce qu'elle était la mère, la mère universelle et sanctifiée comme telle, devient par un magique retournement de situation la fille et la corruptrice de l'homme, lui-même fils de Dieu. Et c'est dans une formidable diatribe, où la violence cède le pas à la haine, que Tertullien porte aux femmes un coup fatal, le véritable coup de grâce :

Il faut donner l'image chrétienne d'une Ève pénitente, noyée dans les larmes et rachetant par l'extérieur de l'affliction, l'ignominie d'une faute héréditaire, et le reproche d'avoir perdu le genre humain. Tu es la porte du démon, c'est toi qui a brisé les sceaux de l'arbre défendu ; toi qui as persuadé celui que Satan n'osait attaquer en face, l'homme, cette auguste image de la divinité, tu l'as brisé d'un coup... et tu oses à recouvrir d'ornements impudiques ces tuniques de peau témoins de ta honte, parles !56

Corruptrice de l'humanité, porte de l'enfer, créature du diable, cette idée de la femme associée au démon, face à l'homme, auguste image de Dieu, cette idée nouvelle allait prévaloir pendant de longs siècles, et traîner la femme dans une grande misère et dans l'asservissement le plus complet.

Bibliographie

BOYANCÉ Pierre

1962a « Fides et le serment », Hommage à A. Grenier, Bruxelles, I, p. 329-341.

1962b « Fides romana et la vie internationale », dans Institut de France. Séance publique des cinq académies, Paris, 16 p.

1964a « La main de fides », dans Hommages à Jean Bayet, Bruxelles, p. 103-113.

1964b « Les Romains, peuple de la fide », dans Bull. de l'Association G. Budé (suppl. Lettres d'humanité) XXIII, 4e série, p. 419-435.

GALLETIER Ed.

1922 Étude sur la poésie funéraire romaine d'après les inscriptions, Paris.

GRIMAL Pierre

1963 L'amour à Rome, Paris.

1966 (dir.) L’histoire mondiale de la femme, Paris, Nouvelle Librairie de France (réédition 1974).

LADJIMI SEBAÏ Leïla

1977 La femme en Afrique à l’époque romaine (à travers la documentation épigraphique). Thèse de Doctorat de troisième cycle, Aix-Marseille I.

1990a « À propos du flaminat féminin dans les provinces africaines », MEFR, tome 102, 2, p. 651-686.

1990b « L’Amour en Afrique romaine. À propos d’une inscription métrique des environs de Dougga-Tunisie (CIL, VIII, 27380 ; CLE, 1971) », Ant.Afri., 26, p. 205-216.

1997 « Femmes romaines de Tunisie : les matronae », La femme tunisienne à travers les âges, Catalogue de l’exposition, Tunis, INP, p. 61-68.

1998 « La plus singulière des “mortes singulières”. À propos du CIL, VIII, 2756 (= CLE 1604 et Cholodniar, 175) », Africa, XVI, Tunis, INP.

MARROU H.I.

1953 L'idéal de la virginité et la condition de la femme dans la civilisation antique, la chasteté, Coll. Problèmes de la religieuse d'aujourdhui, Paris.

PICARD G. Ch.

1954 Les religions de l'Afrique antique, Paris.

1959 La civilisation de l'Afrique romaine, Paris.

Annexes


Abréviations utilisées
Recueils et revues :
Ant. Afr. = Antiquités Africaines

CIL,VIII = Corpus Inscriptionum Latinarum (Tome VIII = Afrique)

CLE = F. Bücheler, Carmina Latina Epigraphica, Lipsiae, 1895-1897 (Supplément E. Lommatzch, 1926)

CMA = Du Coudray, La Blanchère et P. Gauckler, Catalogue du Musée Alaoui, Paris, 1897

CMA, suppl. I = L. Drappier, P. Gauckler, L. Hautecoeur, A. Merlin et L. Poinssot, Catalogue du Musée Alaoui, 1er supplément, Paris, 197-1910

D.S = Ch. Daremberg et E. Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Paris, 1877-1919

ILT = A. Merlin, Inscriptions Latines de la Tunisie, Paris, 1944

MEFR = Mélanges d'archéologie et d'histoire publiés par l'Ecole Française de Rome

Sources littéraires :
Apulée

- Apol. = Apologie

- Met. = Les Métamorphoses où l'Âne d'or

Tertullien

- Ad uxor. = Ad uxorem

- De exhort. cast. = De exhortatione castitatis

- De cult. fem. = De cultu feminarum

- De pudic. = De pudicitia

Notes

1 Les deux premières tentatives furent celles de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions qui a consacré deux réunions à l’étude historique du statut de la femme (Recueil de la Société Jean Bodin : La femme, T. 11, Bruxelles, 1959) et celle de Pierre Grimal qui a dirigé une collection consacrée à L’histoire mondiale de la femme, 1966.

2 À cette date charnière de l’histoire des femmes d'Afrique du Nord, il faut remarquer que les travaux les concernant se font de plus en plus nombreux et révèlent l’intérêt croissant et toujours renouvelé que porte la recherche à ce secteur. La publication de ce numéro de Clio en est la preuve éclatante. J’ai eu, pour ma part, le bonheur d’aborder ce sujet avec une thèse de troisième cycle consacrée à La Femme en Afrique à l’époque romaine à travers la documentation épigraphique. Cette étude m’a permis de publier un certain nombre de travaux que j’aurai – et je m’en excuse auprès du lecteur – à citer souvent ici. Signalons aussi la très louable entreprise de la Faculté des Lettres de la Manouba et de l’université de Tunis 9 qui ont organisé, du 25 au 27 octobre 1996, un colloque sur « Les pratiques quotidiennes et la vie matérielle des femmes d'Afrique du Nord à travers les âges ». L’Institut national du Patrimoine (ex Institut national d’Archéologie et d’Art – Tunisie) a, quant à lui, organisé, en novembre 1997, une grande exposition dédiée à « La femme tunisienne à travers les âges » qui a donné lieu à la publication d’un catalogue. Le dernier événement en la matière est la parution de l’ouvrage de Emna Ben Miled, Les Tunisiennes ont-elles une histoire ?, Tunis, 1998, ouvrage original au titre évocateur, qui répond à de légitimes préoccupations.

3 Pour ce qui est de notre propos, la documentation épigraphique concerne essentiellement les trois premiers siècles de l’Empire et, surtout, les second et troisième siècles, ce qui correspond approximativement aux écrits d’Apulée (second siècle) et de Tertullien (fin du second et début du troisième siècle). Nos sources épigraphiques et littéraires parlent donc de la même société.

4 Ladjimi Sebaï 1977: Catalogue épigraphique, p. 20-74, et Commentaire historique, p. 303-339. 1997, p. 61-68.

5 Nous pensons, entre autres exemples, aux flaminiques, c'est-à-dire à ces grandes prêtresses du culte impérial qui jouèrent un rôle non négligeable au sein de leurs cités. Disposant de fortunes personnelles souvent considérables, elles faisaient preuve de générosité par diverses dotations, dont la construction d'édifices publics, ce qui leur valait l'éternelle reconnaissance de leurs concitoyens. Un des cas les plus remarquables est celui d'Annia Aelia Restituta. Flaminique de deux empereurs, elle fit don à sa bonne ville de Calama (Guelma en Algérie) d'un théâtre, pour la somme importante de 400.000 sesterces. Pour la remercier, le conseil municipal de la ville ordonna de lui élever cinq statues (fin IIe, déb. IIIe s.) cf. CIL,VIII, 5365 = 17945, et CIL,VIII, 536

6. Au sujet des flaminiques Ladjimi Sebaï 1990a. 6 Dans ce terme il y a l'idée d'une association pleine et entière et d'une égalité de droit ; au point de vue social, les deux époux ont le même rang, la même dignitas, cf. D.S., s.v. matrimonium.

7 et aussi juridique. À la condition de matrone est liée toute une série d'obligations définies par la tradition et la loi ; le 1er Mars, jour des matronalia, la matrone reçoit des présents de sa famille ; en dehors de chez elle, elle doit porter la stola matronalis et s'envelopper du voile ; on lui cède le pas dans la rue, et il est interdit de la toucher même pour une citation en justice, etc. cf. D.S s.v., matrona.

8 Un texte parle d'une diva matrona, cf. D.S. s.v. Matres.

9 C'est ce qu'on appelle l'obsequium des matrones, cette qualité particulière qui comprenait la fidélité, le respect et la déférence. On savait gré aux matrones d'être obéissantes et soumises à leurs époux : c'est ainsi que Cl(audia) Successa (Lambese-Algérie, CIL,VIII, 3531) et Victorina Charitosa (Région du Kef - Tunisie, CIL,VIII, 16286 ; ILT,1665) sont dites obsequentissimae ; quant à Ennia Fructuosa, (Lambese - Algérie, CIL,VIII, 2756 ; CLE, 1604) elle est certae pudicitiae, bonoque obsequio, ces qualités faisant d'elle une matrone digne de louanges : laudenda matrona ; à propos de ce dernier texte, Ladjimi Sebaï 1998.

10 Ladjimi Sebaï 1990b. En Afrique ce n'est pas dans la littérature que l'on glane ce genre de renseignement ; les Délie, Cynthie, Corinne et autres beautés chantées par les élégiaques n'ont pas d'émules parmi les Africaines ; en revanche, certaines pièces épigraphiques, la plupart rédigées en vers souvent d'une bonne facture, ont immortalisé, non point les amours particulières que les poètes ont voué aux « irrégulières » inépousables, mais l'amour conjugal.

11 Laissant des épouses éplorées, ou des époux inconsolables ; les exemples abondent en ce sens.

12 Mentionnons tout de même cette inscription de Ammaedara (Haïdra-Tunisie, CIL,VIII, 403 = 11511 et p. 2359; ILT, 421) où une certaine M(a)evia Felicitas est louée à la fois pour sa beauté et son intelligence : fuit enim forma certior, moresque facundi.

13 De exhort. cast., II, 12.

14 Ce genre d'éloge est très fréquent en Afrique ; l'un des meilleurs exemples est fourni par l'épitaphe de Postumia Matronilla, au cognomen prédestiné, qui était : laboriosa, frugi, efficaxs, totius industriae matrona (Hr. Zaatli-Tunisie, CIL,VIII, 11294 ; ILT, 314).

15 Le sens pratique débouche sur le sens des affaires et dépasse alors le cadre de la maison : ainsi Urbanilla, grâce à son esprit d'économie parcimonio fulta, a toujours su conseiller son mari et être pour son négoce une associée avisée : comes, negotiorum socia (Somet el Amra-Tunisie, CIL,VIII, 152 ; ILT, 297).

16 Cette fortune personnelle échappait au contrôle de l'époux ; mariée sine manu, forme de mariage qui devient courante dès le début de l'empire, la femme, héritière du patrimoine au même titre que l'homme, et même héritière de son mari quand le cas se présentait, eut besoin dans un premier temps d'un tuteur pour administrer ses biens ; plus tard, les femmes deviennent tutrices d'elles-mêmes, et cette situation est clairement définie par la loi qui définit l'âge auquel les jeunes gens étaient capables de gérer leurs biens : 18 ans pour les garçons et 20 ans pour les filles. « Un procurateur doit venir certifier leur âge en public ; elles ont alors les mêmes droits que les hommes en la matière », Code Théodosien, 2,17,1 - Loi du 30 Mai 321.

17 Mactar - Tunisie, CIL,VIII, 647=11787 ; CLE, 116.

18 Certaines qualités morales concernent aussi les hommes ; l'adjectif castus (chaste) se retrouve à deux reprises sur des épitaphes d'hommes (CIL,VIII, 12418 et 20570). Mais jamais un homme ne sera qualifié de pudicus.

19 Pour honorer particulièrement une femme vertueuse, un texte d'Auzia (Aumale-Algérie, CIL,VIII, 9050) nous parle d'une cultrix pudicitiae, allusion certaine au culte rendu à la déesse tutélaire.

20 Sur l'épitaphe d'une jeune femme morte à 28 ans, Cirta (Constantine - Algérie, CIL,VIII, 7705).
21 De exhort. cast., I.
22 Sur la notion de fides, Boyancé 1962a, p. 329-341; id, 1962b ; id, 1964a, p. 103-113 ; id, 1964b, p. 419-435. Tous ces articles sont réunis dans Etudes sur la religion romaine (Coll. École Française de Rome) 11, 1972, p. 91-152.
23 Le terme le plus fréquemment utilisé est univira ; un texte utilise le doublet univira, unicuba, en insistant ainsi sur le fait qu'une vertueuse matrone n'aura partagé sa couche qu'avec un seul homme (Hr Zaatli-Tunisie, CIL,VIII, 11294 ; ILT, 314).
24 Il est bien entendu que tout ce discours, et nous l'avons dit plus haut, ne concerne que les femmes de condition libre, seules destinées à devenir des épouses et des mères ; ces mêmes qualités ne sont pas requises chez les esclaves par exemple in quas stuprum non committitur. C'est ainsi que selon le cas, on demande à la femme « des enfants ou du plaisir », v. Marrou 1953, p. 39-49.
25 Galletier 1922, p. 116.
26 Apol. LXXV - LXXVI.
27 Picard 1959, p. 284.
28 La prostitution était en général exercée par des esclaves ; les citoyennes qui voulaient exercer ce métier devaient en faire préalablement la déclaration officielle devant les magistrats, afin de ne pas tomber sous le coup des lois Iulia de adulteriis et pudicitia ou encore de adulteriis et stupro (Code Théodosien, IX,9), qui punissaient, non seulement le délit d'adultère, mais aussi tous les délits contre les bonnes mœurs.
29 De cult. fem. I.1.
30 De cult. fem., II, 1.
31 De cult. fem., II, 12.
32 Apologétique ,VI, 3.
33 De pallio, 4.
34 Ad uxor., I, 4.
35 Ad uxor., II, 8.
36 Ad uxor., I, 8.
37 Pline, H. N. XIV, 14, 2 - Grimal 1963, p. 81.
38 Apologétique VI, 4, 5, 6.
39 Par exemple dans « la mosaïque du banquet » provenant de Carthage ; Musée du Bardo,CMA, suppl. I A, 162, pl. IV. Et aussi sur un beau cippe funéraire provenant de Hr Mest (Mustis-Tunisie), portant l'épitaphe de la sage-femme Caelia Bonosa Mazica et de son époux, le citoyen romain P. Flavius Felix, CIL,VIII, 15593 et p. 2698 ; Musée du Bardo, CMA, D, 464 = C, 876 et pl. XXIII.
40 Ad uxor., II, 6.
41 Mais il s'agit de représentations de banquets funéraires où les défunts ont tenu à se faire représenter selon la bonne tradition, comme par exemple sur deux stèles funéraires de la région de Bou Arada-Tunisie conservées au Musée du Bardo : v. « la stèle Romans » dans Picard 1954, p. 139, fig. n° 12 ; et CMA, suppl. I, D, 1007.
42 Met. I, 22.
43 Valère Maxime, II, 1, 2.
44 Quaest. conviv. VII, 8, 4.
45 Confessions, IX, 9.
46 H. N. XVIII, 21.
47 Dans cette phrase nous avons la preuve flagrante de la contradiction du discours des épitaphes et d'une certaine réalité rapportée par la littérature.
48 Ad uxor., II, 5.
49 Picard 1954, p. 286.
50 De Cult. fem., II, 12.
51 Grimal 1963, p. 120.
52 Marrou, p. 43.
53 V. supra note n°18.
54 De pudic., I.
55 De pudic., 4.
56 De cult. fem. I.

Leïla Ladjimi Sebaï
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MessageSujet: Re: Saintes matrones ou dangereuses dévergondées   Saintes matrones ou dangereuses dévergondées EmptyDim 27 Sep - 1:10

Ce qui me surprend dans cette essai, c'est l'impersonnalité de ce ces femmes comme des auteurs quel cite comme si ceux ci n'appartenait pas à un peuple en l'occurrence la notre Amazigh.

Etrange procédé, faut dire que l'auteur est une tunisienne, et on sait comment ce pays nie son Amazighité, ce qui donne à cette essai un gout pas totalement objectif mais somme toute cette article est intéressant.
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Saintes matrones ou dangereuses dévergondées
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