En parcourant quelques sites amazighs, un article publié en langue arabe a attiré mon attention. Il y est écrit ceci :
« en date du 30 avril 2010, à Tanger (Tingis), l’imam de la mosquée As-salam de Masnana, a profité du prêche de vendredi pour railler et tourner au ridicule les Imazighen et leur langue. Même le caractère Tifinagh n’échappa pas à la tartufferie de ce prêcheur éhonté. Et comme cela n’a pas été assez, il osa même et sans vergogne irréligieuse, de comparer les Imazighen aux Kurdes, qu’il considéra comme facteur de séparatisme et de dislocation de la Umma ou nation arabe. Et l’on ne sait pas quelle relation il y aurait pu avoir entre la nation arabe et l’islam ? Et pour que les lieux sacrés (maisons d’Allah) ne deviennent pas des repères où certains imams racistes, à l’instar de l’imam concerné, peuvent faire, et à loisir, l’éloge d’un discours d’exclusion, et en vue de préserver la sécurité spirituelle des Marocains, nous membres de l’association Juba pour la culture et le développent de Tanger, constatons ce qui suit :
- Que cet imam, en voulant ridiculiser les Imazighen et leur langue, tient un discours, qui ne fait qu’exprimer une haine raciale, raciste et d’exclusion, et qui, en aucun cas, n’a rien avoir avec l’islam.
- Considérons que ledit imam n’est pas habilité à faire office en matière de religion musulmane.
- Protestons et avec force l’exploitation des mosquées à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont conçues,
- Considérons que l’identité amazighe est celle de tous les Marocains sans exception et que l’atteinte à cette identité est une atteinte à tous les Marocains.
C’est pourquoi, nous exigeons des autorités compétentes de prendre toutes leurs responsabilités (mesures) à l’encontre de cet imam/prêcheur. Condamnons l’exploitation des mosquées pour porter atteinte à l’élément de l’identité amazighe marocaine. (fin de l’article).
A première lecture de cet article, on ne peut guère s’étonner de la haine que certains portent à tout ce qui est amazigh et l’on ne peut que constater que les acrimonies contre les Imazighen, toujours latentes, jusqu’à présent, resurgissent et s’étalent en plein jour, au fur et à mesure que les revendications amazighes se précisent à tout le monde.
Ceci étant, il aurait été plus judicieux pour nos amis amazighs tangérois de dire que cet imam, par son prêche avait atteint l’honneur de tous les Imazighen, partout où ils se trouvent, puisqu’il parle des Imazighen qui seraient un facteur de schisme et de séparation de son Umma ou nation arabe...
Si seulement les Imazighen étaient conscients de leur force collective, quoique éparpillée et désordonnée. Savent-ils qu’ils forment bel et bien une nation en Afrique du Nord, que nous pouvons appeler Tamazgha « home land » des Imazighen. Mais, hélas, nous ne sommes pas encore arrivés là. Et il est à parier qu’il y a un long chemin pour y parvenir. C’est certainement une tâche des générations futures. Mais cela est une autre histoire….
Pour l’instant, nous sommes confrontés à l’incompréhension et au mépris de ceux qui croient posséder la science infuse, de droit divin, et qui s’estiment supérieurs aux Imazighen, en vertu de l’appartenance à une religion dite divine et prétendant être de lignage arabe vrai ou supposé comme tel, parfois inventé de toutes pièces.
Et, nous voilà de retour à la case de départ, sinon à la quadrature du cercle. C’est bien cela l’essence du problème épineux que doivent résoudre les nouvelles générations amazighes. Le problème est donc récurent, et la question immédiate et logique, qui fatalement devrait s’imposer est la suivante : Un Amazigh, peut-il défendre et préserver son identité plus ou moins intacte, et en même temps être un bon musulman, avec les contraintes que lui impose cette religion, sans qu’il coupe, pour autant, la corde ombilicale religieuse qui le lie à l’Orient ? Peut-il se libérer de la tutelle spirituelle levantine/moyen-orientale ?
Dès lors, comment faire comprendre à notre population citadine amazighe, indigène ou autochtone, arabisée ou non, qu’elle est d’extraction amazighe et qu’elle n’a rien à avoir avec les arabes, et qu’elle n’est que prisonnière d’un système de valeurs, qui l’a toujours tenu sous le joug, tant spirituel que matériel.
En guise d’anecdote, et pour mieux expliquer et éclairer mon propos, il me vient à l’esprit une scène pour ne pas dire accrochage au sujet de l’identité amazighe versus l’islam. J’ai dû, malgré moi, témoigner cette scène voilà quelques mois déjà, lorsque j’étais en visite au bled. Une jeune femme, d’origine amazighe, comme d’ailleurs son antagoniste, mais se déclarant engagée et vertueuse, lança l’anathème sur le jeune homme, qui n’avait cure de sa religion, pour avoir critiqué et ridiculisé la manière avec laquelle la jeune génération (de musulmanes) se comporte à l’égard du port du niqab, hijab, bourqa, et autres accoutrements de ce genre. Ce qu’il faisait savoir ouvertement et sans détours, en déclarant, et je cite : « que tout cette affaire au sujet de l’habit dit islamique, n’était qu’un cirque inventé par les wahhabites et leurs laquais amazighs, pour rendre les musulmanes comme elle, encore plus ridicules ». Et d’ajouter : « que nos grands-mères, bien que musulmanes, aussi dévotes et aussi vertueuses que n’importe qu’elle autre femme arabe, n’avaient nullement besoins de recevoir de leçons en matière vestimentaire pudique ou autre, et s’adressant à la femme il la taquina en lui rappelant qu’elle n’était même pas arabe et qu’elle était rifaine et donc amazighe ». Ce fut alors la goutte qui fit déborder le vase, car, la bonne femme, devenue subitement hystérique s’écria : « Qu’Allah ne déplaise et n’en déplaise aux gens de ton espèce, je suis bien arabe et mes ancêtres étaient des Arabes, que tu le veuilles ou non, espèce de mécréant ».
C’est ce genre de conflit qui inévitablement verra le jour, entre les membres d’une même famille, si la question n’est pas posée de manière objective et bien raisonnée. Une matière à réflexion pour nos intellectuels et intelligentsia en cours de constitution.
Mimoun
source : afrique-du-nord.com